En ce lundi 13 aout, c'est décidément très calme au boulot... J'hésite même à repasser par la maison avant mon heure de vol à 19h. Finalement, depuis mes dernières leçons, la semaine intensive, je ne pense plus qu'au moment ou Philippe va me laisser partir tout seul, et c'est la tête dans les avions, que je regarde l'horloge tourner avant l'heure du départ… Le lâcher sera-t-il pour ce soir ? Je n'ai pas grand chose à faire au travail, et dans un sens tant mieux, car mon esprit est ailleurs... Un petit coup d'oeuil au METAR : CAVOK jusqu'à demain soir. Autrement dit, une météo parfaite !
Je finis par prendre la voiture direction l'aéroclub, l'avion arrive tout juste, de même que Philippe. Le temps de faire toutes les vérifications d'usage, et on est parti. Intentions du jour : quelques tours de piste... Encore et toujours...
Le terrain est encore contrôlé, et la tour nous donne l'autorisation de décoller. Après un ou deux tours de piste, j'espère secrètement que Philippe me dise "bon allez on arrête" mais non; pas encore aujourd'hui. Pourtant les conditions sont idéales (une météo royale et très peu d'avions sur le terrain) et j'ai bien l'impression que tout se passe bien... Je fais quelques petites erreurs, et Philippe me donne toujours des conseils pour l'arrondi final, mais j'ai tout de même l'impression qu'il ne s'agit que de détails mineurs... Peut-être pas, sans doute attend-il le tour de piste parfait, où il n'a rien à dire ni à corriger pour me lâcher...
Troisième tour, quatrième tour, cinquième tour... Bon ben ce ne sera encore pas pour aujourd'hui... Même si je suis un peu déçu, je me dis encore une fois, que Philippe est seul juge. Si estime que ce n'est pas le jour, ce n'est pas le jour. Le commandant de bord a toujours raison…
Après le sixième tour, alors que je m'apprête à remettre les gaz pour repartir, Philippe m'indique de m'arrêter... Puis me dit timidement "Bon, on va souffler 2 minutes"... Habituellement, on ne s'arrête jamais pour "souffler 2 minutes", surtout après 1h de vol...
Je sens comme une petite appréhension car j'ai toujours malgré moi, l'obsession du jour où Philippe va me laisser partir tout seul..."Comment tu te sens ?"... Une petit cran de plus dans l'excitation : Philippe ne me demande jamais comment je me sens après le vol, d'autant que nous sommes toujours dans l'avion et que faire des tours de piste n'est pas des plus éprouvants... C'est avec un petit sourire non dissimulé que je lui indique que tout va bien, et c'est également avec un petit sourire qu'il me demande : "Tu repars tout seul ?". Ca y est ! C'est l'heure et le jour du lâcher tant attendu, lundi 13 août 2012, 19h30, après 21 heures de vol... Philippe me donne les dernières recommandations et sort de l'avion...
Me voilà donc seul à bord... Il va falloir faire décoller cette masse de 700 kilos, la faire monter à 2000 pieds et surtout, la faire redescendre !!! ;)
Je pars du principe que je viens d'en faire 6 sans soucis, et je ne me pose finalement pas trop de questions... Je saisis tout de suite la check list de départ... Ce petit livret en plastique, n'est maintenant plus que mon seul ami pour les 20 minutes à venir, la seule chose à laquelle je peux maintenant me raccrocher...
Température et pression de l'essence et de l'huile OK, essais moteur satisfaisant, pompe en marche, les volets rentrés, les phares éteins, etc... Tout est ok : c'est parti !
"Fox India Papa roule point d'arrêt 34".
Un petit coup de gaz pour ébranler l'avion, et nous voilà gentiment parti pour le point de décollage. Le long du taxiway pour accéder à la piste, la trajectoire de l'avion n'est pas aussi rectiligne que d'habitude... J'imagine que cela ne doit pas être étranger aux légers tremblements de mes jambes...
Je suis au point d'arrêt : vérifications d'usage : essai magnétos, réchauffage carbu, ralenti... Tout est ok... Un regard, bizarrement beaucoup plus insistant que d'habitude, vérifie qu'il n'y a personne en finale : "Fox India Papa, je m'aligne et je décolle".
J'ai dit ça moi ??? Oui, j'ai dit ça !!
Une fois aligné sur la piste, dernières vérifications : boussole, conservateur de cap, absence de panne, pompe et phares en marche ! Cette fois, je n'ai plus aucune excuse pour reculer, et j'annonce tout haut, comme d'habitude : "Le conservateur de cap et la boussole sont ok, j'ai pas de panne, j'ai la pompe et les phares, on y va !".
Habituellement naturel, le geste de pousser la manette des gaz à fond, n'est plus aussi assuré, et mon regard fait 5 fois le tour du tableau de bord pour s'assurer que tout est en ordre !! A la mise plein gaz, il y a toujours une fraction de seconde avant que l'avion ne parte, due à son inertie. Ce vol ne fait pas exception, sauf que la fraction de seconde me semble cette fois-ci extrêmement longue ! Je me pose 12000 questions, et en fait non, l'avion s'élance comme d'habitude…
En rien de temps, me voilà à 100 km/h, je tire sur le manche, là encore, plus timidement que d'habitude, et l'avion ne se laisse pas faire. Un peu d'insistance, et ça y est les roues ne touchent plus terre. Je vole !!!!
Bon, je reste concentré et suis les conseils de Philippe : enchaîner les étapes les unes après les autres sans anticipation, "la qualité de l'étape suivante dépend de la qualité de l'étape actuelle !".
Mon prochain objectif : rentrer les volets, éteindre la pompe et les phares à 800 pieds. Voilà j'y suis, "Volets, pompe, phares", c'est bon. J'accélère un peu à 150 km/h.
Je laisse Balma à droite et j'entreprends mon premier virage pour passer en vent traversier, tandis que l'avion monte toujours... Alors que je n'ai même pas encore passé la ferme de sironis pour tourner en vent arrière, me voilà déjà à 2000 pieds ! Et oui, Philippe n'est plus dans l'avion, il monte beaucoup plus vite ! Pas de soucis, je prends l'assiette de croisière et réduis déjà à 2100 tours/minutes...
J'incline l'avion au dessus de la ferme de sironis, "Fox India Papa vent arrière 34 Lasbordes". Je dois maintenant préparer l'avion pour l'atterrissage. A ce moment, je vois la piste à 2 km sur ma droite. Je ne pense toujours pas à l'approche, je suis focalisé sur ce que j'ai à faire là maintenant : "Volets, pompe, réchauffage carbu, phares" !
Bon, ben pour le moment tout va bien, je n'ai rien oublié, j'ai bien repéré la maison de repos d'Aufrery, la zone industrielle, le château de Pechestier, et Fonsegrives sur la droite. C'est bon, j'ai mon axe de vent arrière bien en vue.
J'ai 150 km/h, 2100 tr/min, tout est prêt pour l'atterrissage, j'ai la piste à ma droite, bien parallèle à ma trajectoire. J'ai toute la vent arrière pour profiter du survol de la compagne toulousaine, ses châteaux et ses villages... Je regarde également le siège de Philippe : il est bel et bien vide !!! C'est à cet instant, alors que j'ai un peu de temps pour moi, que je réalise que je suis en train de piloter un avion sans personne pour m'expliquer quoi que ce soit !!!
Bon, on "revient sur terre", car il nous faut justement encore revenir sur terre...
Puisque j'ai la bonne altitude, au bon endroit, je suis quasiment sûr d'être sur un plan d'approche correcte, et donc d'atteindre la piste avec une bonne pente.
Il ne me reste plus qu'à initier le dernier virage au bon moment ! Je prends la décision de l'initier assez tôt. Premièrement parce que je m'y prend souvent trop tard, deuxièmement parce qu'en initiant le virage plus tôt, on peux plus facilement ajuster l'alignement avec la piste en augmentant si besoin le rayon de courbure (réduction de l'inclinaison). A contrario, il est dangereux et difficile de faire des retouche sur un virage déjà serré (à inclinaison plus importante). J'entame donc le dernier virage... et je suis bien aligné, "Fox India Papa finale 34 lasbordes".
C'est là qu'intervient la phase la plus critique : jouer par petites touches à la fois sur la puissance pour gérer la descente, et sur le manche pour gérer la vitesse...
Mes yeux font alors des allers-retours incessants : piste, tachymètre, anémomètre, tachymètre, anémomètre, piste, etc… Pendant ce temps la piste se rapproche doucement mais surement, je contrôle bien mon avion, tout va bien !
Dernière phase critique, j'arrive au dessus de la piste, mon avion s'enfonce toujours, je cabre pour le forcer à tomber, je réduis tout, il ne remonte pas… Je cabre toujours… et voilà !!! Ça y est l'avion est sur le sol !!!!
La main sur le frein, je quitte la piste et passe la ligne jaune : "Fox India Papa piste 34 libérée lasbordes". Ca y est mon vol est officiellement terminé ! Je regarde Philippe avec un grand sourire et lui-même me gratifie d'un signe de la main le pouce levé !
Aujourd'hui lundi 13 aôut 2012 , de 19h31 à 19h49, j'ai réalisé le vol de plus court de ma vie de pilote, mais le plus intense ! C'est tout fier de moi, que j'ai noté ces 18 minutes dans mon carnet de vol non pas dans la colonne "double commande", mais "commandant de bord" ! Il n'y a plus de doute possible : je suis aujourd'hui capable de prendre un DR400 et de faire un petit tour avec… dans des conditions idéales ;)
Et oui !!! Ce grand moment tant redouté il y a plusieurs semaines puis tant attendu ces derniers temps s'est enfin produit... Bravo mon ptit chat volant, je suis très fière de toi mon ptit pilote :p
RépondreSupprimerPour moi : deuxième leçon de vol le 14 août : ton blog est très encourageant et instructif pour un apprenti qui débute juste! bravo et continue comme ça!
RépondreSupprimerSalut Pierre,
SupprimerMerci beaucoup pour ton message, très encourageant. Tu es le premier "inconnu" à poster et donc à exprimer son intérêt pour le site !!!
Bon courage pour la suite de ta formation, ne t'inquiètes pas, j'ai bien l'intention de continuer !!! ;)
Je suis tombé sur ton blog en cherchant une précision sur les virages que le manuel de pilotage ne détaillait pas, et je trouve super sympa et très complémentaire de la pure théorie, de bénéficier de ton expérience et de ta façon de "ressentir" les choses, ça aide à comprendre - anticiper les sensations qu'on aura ensuite en vol!
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