Après un petit déjeuner « tardif »
le samedi matin, je déplie ma carte et m'oriente tout de suite dans
la facilité : on va aller à l'est, pas de zone de contrôle
aérien, terrain connu, etc... Je boucle donc rapidement, mon
itinéraire : Montagne Noire, Castres où je prévois de me
poser, Albi, Gaillac et retour à Lasbordes.
Je fais
mon log de nav, j'imprime vite fait les cartes VAC, et je vérifie la
météo. La préparation du vol est plutôt minimaliste. Si je
m'assure bien qu'il n'y a pas de restrictions particulières en
vigueur, je ne prends, en revanche, pas vraiment le temps de réaliser
le travail mental requis à savoir se dérouler le vol dans la tête
pour anticiper un maximum de choses...
J'arrive
finalement à l'aéroclub et Philippe est déjà, l'avion est déjà
sorti.
« -
Bon tu nous emmènes où ? »
«- Boh,
j'ai pas eu le temps de faire une nav très compliquée, j'ai
simplement prévu un petit tour du côté de Castres et d'Albi »
Je file
donc à l'avion pour faire la visite prévol de l'engin, je
m'installe à ma place, Philippe fait de même, et m'annonce tout de
suite la couleur :
« -
Bon, on fait un tour de piste, histoire de vérifier que tu sais
toujours te poser après un mois sans voler, et si tout va bien, la
nav tu la fais tout seul ! »
Ah !
Nous y voilà !! Ce qui devait arriver un jour au l'autre s'est
donc produit ce fameux samedi ensoleillé d'avril : Philippe
m'envoie voir ailleurs s'il y est... Me voilà donc parti pour
prendre l'avion tout seul, décoller, aller se poser sur un autre
aéroport, Castres en l'occurrence, faire un petit tour et revenir.
L'idée principale est surtout que je revienne si possible avec
l'avion en un seul morceau, avec moi dedans, si possible aussi en un
seul morceau !
A cette
annonce, je ne suis finalement pas si stressé. Je prends plutôt
cette « proposition » comme une reconnaissance du chemin
parcouru, une sorte d'évaluation que j'aurais réussie. Selon mon
instructeur, je suis apte à voler tout seul ! Évidemment, les
conditions du jour sont ultra favorables : pas de vent, grand
soleil, peu de trafic...
Je fais
donc mon tour de piste sans aucun problème, tout se passe bien, et
comme prévu, je débarque Philippe à l'aéroclub avant de
repartir...
Tout se
passe bien, décollage sans problème, montée à 2000 pieds, pas de
soucis avec les échanges radio, bref tout va bien. En fait, le
moment où je vais vraiment prendre conscience de l'événement,
c'est en fin de tour de piste, lorsque la tour va me donner
l'autorisation de quitter la fréquence... Ca y est, je quitte le
monde connu : je suis à plus de 700 mètres de haut, tout seul
dans mon avion, et Toulouse Lasbordes m'annonce « Fox India
Papa, autorisé à quitter ! ». Philippe n'a également plus
aucun moyen de suivre ce qu'il se passe : l'artiste travaille
désormais sans filet...
Même
pas peur, je contacte tout de suite les contrôleurs de la région
Toulousaine. Je me répète le message dans ma tête « Toulouse
info, Fox India Papa, bounjour ! » « Fox Golf
Charlie India Papa, 1 persone à bord d'un DR400 à 2500 pieds QNH en
provenance de Lasbordes et à destination de Castres pour information
de trafic ». Et voilà, les contrôleurs aériens m'ont
identifié sur leurs écrans radars. A tout moment je peux les
contacter au cas où, mais il n'y pas de raison !!!
Premier
objectif : la Montagne Noire. Tout se passe bien, rien à
signaler, la première étape est faite.
Je
prends ensuite la direction de Castres... Enfin j'essaie car
bizarrement, alors qu'il n'y a pas de vent, le gps ne me donne pas
tout à fait les même indications que mon log de nav. Bon, l'écart
n'est que de quelques degrés, c'est probablement parce que je ne
suis pas exactement à la montagne noire, mais simplement en vue de
celle-ci. Le cap à suivre n'est donc pas exactement le cap
attendu...
A mesure
que j'approche de Castres, j'ai beau ouvrir grand les yeux, j'ai
beaucoup de mal à trouver l'aéroport, et c'est à partir de ce
moment que le manque de préparation va se faire sentir...
Finalement,
ce n'est quasiment qu'à la verticale du terrain que je vais finir
par le voir... Heureusement que le gps était là pour m'indiquer
l'endroit précis ! Bon, j'y suis, tout va bien. « Où est la
manche à air ? Dans quel sens souffle le vent ? Quelle est la piste en
service ? De quel côté se fait le tour de piste ? Mince
j'ai pas sorti la carte VAC ! » Autant de choses qui se
bousculent dans ma tête, et qui font que je suis un peu perdu pour
trouver où m'insérer dans le circuit d'aérodrome... Bon, après
quelques longues minutes (ou peut-être juste secondes en fait...)
tout s'éclaircit dans ma tête, et je visualise bien les choses. Je
rejoins donc la vent arrière de la bonne piste en prenant soin
d'indiquer ma position à la radio. Je prépare donc ensuite mon
avion pour la descente. Tout se passe finalement très bien, je suis
à ma place, à la bonne hauteur au bon endroit... jusqu'au
moment où j'entends à la radio « Fox India Papa vous êtes où
je ne vous vois pas ! »
Un
pilote est au sol, prêt à décoller et en l'absence de contrôle
d'aéroport, il se doit de vérifier qu'il y a personne en finale.
Puisque je me suis annoncé en base, j'ai la priorité, il cherche
donc logiquement à estimer ma position. Concentré sur mes
manœuvres, je réponds un peu fébrilement que « c'est ma
première navigation solo, j'aimerais autant que vous me laissiez la
priorité !». L'autre pilote se montre compréhensif « Ok,
la question ne se pose donc pas... ».
Un peu
perturbé, je continue mes petites affaires, et finalement, je me
rends compte que je suis beaucoup trop haut pour me poser, que je ne
suis pas du tout dans le bon plan, bref que mon approche n'est pas
bonne du tout. Je comprends alors pourquoi l'autre pilote ne me
voyait pas, je n'étais pas du tout à la bonne position !!! Je remets
donc les gaz, et repars pour un deuxième tour de piste.
Après
une rapide analyse de mes erreurs, j'attaque cette deuxième chance
avec beaucoup plus de sérénité : « Volets pompe
phares ! », je fais mes petites affaires en temps et en
heure sans précipitation, et prends le temps de vérifier tous mes
repères. Comme par hasard, tout se passe pour le mieux et je fais un
touch and go dans les règles de l'art... Je peux donc repartir pour
Albi, Gaillac et enfin Lasbordes.
Oui,
mais... l'écart entre le cap indiqué par mon log de nav et celui
donné par le gps est maintenant de 5 ou 10 degrès ! Bon, il
doit y avoir un problème avec ma préparation, je me contente donc
de bien mettre le trait violet du gps à la vertical, signe que je
suis sur la bonne route, me promettant de creuser plus en détail une
fois rentré pour trouver l'erreur.
Je
trouve donc Albi puis Gaillac sur ma route. Il ne reste plus qu'à
prendre la direction de Lasbordes pour me poser sur mon aérodrome
préféré, mais le cap de mon log de nav est de plus en plus
mauvais... Bon, survol du terrain de Lasbordes à la vertical,
détection de la manche à air, intégration en vent arrière.
Base... Finale... Et voilà, l'avion est définitivement posé !
Mission
remplie !
A ma
descente de l'avion, je retrouve Philippe, sourire aux lèvres comme
après chaque vol solo, me demandant : « C'est bon t'es
pas mort ? »
Non, non
seulement, je ne suis pas mort, mais je suis plutôt fier de moi :
j'ai utilisé un avion comme moyen de transport pour aller de
Toulouse à Castres, comme on prend une simple voiture !!!
Ce petit
exploit personnel n'occulte pas le manque de préparation flagrante
du vol et son impact assez conséquent ! Bien des interrogations
auraient été évitées si j'avais mieux préparé mon vol, et nul
doute que j'aurais posé l'avion plus sereinement dès mon premier
passage. Vu que j'avais prévu de me poser à Castres, j'aurais dû prendre le temps de regarder google map pour repérer plus facilement
le terrain, imaginer de quel côté j'allais arriver, etc...
Ceci
étant, cet épisode m'a prouvé que j'avais le recul nécessaire
pour apprécier ma position et remettre les gaz en cas d'approche ratée, recul qui fait visiblement défaut à beaucoup de jeunes
pilotes selon instructeurs et conférenciers.
Concernant
cette histoire de conservateur de cap, ce n'est que dans la soirée,
alors que je serai revenu depuis un bon moment, qu'une ampoule va
s'allumer au dernier étage ! Le conservateur se décale de 1 degré toutes les 4 minutes !!! C'est une des premières choses
qu'on apprend !!! Il n'y avait donc pas d'erreur dans mon log de
nav mais dans son application ! Si je n'avais pas oublié de
recaler le conservateur sur la boussole à la Montagne Noire et à
Castres, je n'aurais eu aucun soucis ! Encore une petite
mésaventure de ma vie de jeune pilote, qui me sera très
probablement bénéfique pour la suite : je pense que je
n'oublierai pas de sitôt de recaler mon conservateur de cap !!! En tout cas, ce sera à mettre en pratique dans la prochaine étape : réaliser une navigation solo de plus de 150 NM (300 km), soit 2 petites heures, avec atterrissage sur 2 aérodromes différents, condition sine qua non au passage de l'examen pratique...
Ton récit est vraiment passionnant, je suis moi-même jeune pilote et j'approche de mon premier vol solo. Je trouve rassurant et motivant de lire ces retours d’expériences. Je te souhaite de réussir ton PPL !!!
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour ton message !
SupprimerEffectivement, j'essaie de faire des articles qui pourraient intéresser non seulement les jeunes pilotes, mais également ceux qui suivent ma progression.
J'avoue avoir pas mal de retard sur mes articles... Pour ce qui est du test PPL, il y aura du nouveau très bientôt... Suspens...
Merci encore pour ton message et bonne continuation. Tu verras, le premier solo est intense !