jeudi 25 avril 2013

Leçon 24 : Ce qui devait arriver arriva...

Alors que j'avais passé la semaine en déplacement à l'étranger, le vendredi après midi pointait le bout de son nez, sans que je n'aie rien préparé : ni plan de vol, ni météo. A ce néant s'ajoutait la perspective de rentrer à Toulouse tard dans la nuit pour un vol samedi en milieu d'après midi... Après quelques tergiversations concernant le maintient de l'heure de vol, je finis quand même par envoyer un petit texto à Philippe histoire de tâter le terrain « heu, j'ai rien préparé du tout, et je suis pas à Toulouse avant ce soir tard, ca t'embête si on décale d'une heure le vol de demain ? » « Non non, pas de problème, très bonne météo en perspective ».

Après un petit déjeuner « tardif » le samedi matin, je déplie ma carte et m'oriente tout de suite dans la facilité : on va aller à l'est, pas de zone de contrôle aérien, terrain connu, etc... Je boucle donc rapidement, mon itinéraire : Montagne Noire, Castres où je prévois de me poser, Albi, Gaillac et retour à Lasbordes.

Plan de vol : 97NM, soit une bonne heure de vol
Je fais mon log de nav, j'imprime vite fait les cartes VAC, et je vérifie la météo. La préparation du vol est plutôt minimaliste. Si je m'assure bien qu'il n'y a pas de restrictions particulières en vigueur, je ne prends, en revanche, pas vraiment le temps de réaliser le travail mental requis à savoir se dérouler le vol dans la tête pour anticiper un maximum de choses...

J'arrive finalement à l'aéroclub et Philippe est déjà, l'avion est déjà sorti.
« - Bon tu nous emmènes où ? »
«- Boh, j'ai pas eu le temps de faire une nav très compliquée, j'ai simplement prévu un petit tour du côté de Castres et d'Albi »
Je file donc à l'avion pour faire la visite prévol de l'engin, je m'installe à ma place, Philippe fait de même, et m'annonce tout de suite la couleur :
« - Bon, on fait un tour de piste, histoire de vérifier que tu sais toujours te poser après un mois sans voler, et si tout va bien, la nav tu la fais tout seul ! »
Ah ! Nous y voilà !! Ce qui devait arriver un jour au l'autre s'est donc produit ce fameux samedi ensoleillé d'avril : Philippe m'envoie voir ailleurs s'il y est... Me voilà donc parti pour prendre l'avion tout seul, décoller, aller se poser sur un autre aéroport, Castres en l'occurrence, faire un petit tour et revenir. L'idée principale est surtout que je revienne si possible avec l'avion en un seul morceau, avec moi dedans, si possible aussi en un seul morceau !

A cette annonce, je ne suis finalement pas si stressé. Je prends plutôt cette « proposition » comme une reconnaissance du chemin parcouru, une sorte d'évaluation que j'aurais réussie. Selon mon instructeur, je suis apte à voler tout seul ! Évidemment, les conditions du jour sont ultra favorables : pas de vent, grand soleil, peu de trafic...

Je fais donc mon tour de piste sans aucun problème, tout se passe bien, et comme prévu, je débarque Philippe à l'aéroclub avant de repartir...

Tout se passe bien, décollage sans problème, montée à 2000 pieds, pas de soucis avec les échanges radio, bref tout va bien. En fait, le moment où je vais vraiment prendre conscience de l'événement, c'est en fin de tour de piste, lorsque la tour va me donner l'autorisation de quitter la fréquence... Ca y est, je quitte le monde connu : je suis à plus de 700 mètres de haut, tout seul dans mon avion, et Toulouse Lasbordes m'annonce « Fox India Papa, autorisé à quitter ! ». Philippe n'a également plus aucun moyen de suivre ce qu'il se passe : l'artiste travaille désormais sans filet...

Même pas peur, je contacte tout de suite les contrôleurs de la région Toulousaine. Je me répète le message dans ma tête « Toulouse info, Fox India Papa, bounjour ! » « Fox Golf Charlie India Papa, 1 persone à bord d'un DR400 à 2500 pieds QNH en provenance de Lasbordes et à destination de Castres pour information de trafic ». Et voilà, les contrôleurs aériens m'ont identifié sur leurs écrans radars. A tout moment je peux les contacter au cas où, mais il n'y pas de raison !!!

Premier objectif : la Montagne Noire. Tout se passe bien, rien à signaler, la première étape est faite.
Je prends ensuite la direction de Castres... Enfin j'essaie car bizarrement, alors qu'il n'y a pas de vent, le gps ne me donne pas tout à fait les même indications que mon log de nav. Bon, l'écart n'est que de quelques degrés, c'est probablement parce que je ne suis pas exactement à la montagne noire, mais simplement en vue de celle-ci. Le cap à suivre n'est donc pas exactement le cap attendu...

A mesure que j'approche de Castres, j'ai beau ouvrir grand les yeux, j'ai beaucoup de mal à trouver l'aéroport, et c'est à partir de ce moment que le manque de préparation va se faire sentir...

Finalement, ce n'est quasiment qu'à la verticale du terrain que je vais finir par le voir... Heureusement que le gps était là pour m'indiquer l'endroit précis ! Bon, j'y suis, tout va bien. « Où est la manche à air ? Dans quel sens souffle le vent ? Quelle est la piste en service ? De quel côté se fait le tour de piste ? Mince j'ai pas sorti la carte VAC ! » Autant de choses qui se bousculent dans ma tête, et qui font que je suis un peu perdu pour trouver où m'insérer dans le circuit d'aérodrome... Bon, après quelques longues minutes (ou peut-être juste secondes en fait...) tout s'éclaircit dans ma tête, et je visualise bien les choses. Je rejoins donc la vent arrière de la bonne piste en prenant soin d'indiquer ma position à la radio. Je prépare donc ensuite mon avion pour la descente. Tout se passe finalement très bien, je suis à ma place, à la bonne hauteur au bon endroit... jusqu'au moment où j'entends à la radio « Fox India Papa vous êtes où je ne vous vois pas ! »
Un pilote est au sol, prêt à décoller et en l'absence de contrôle d'aéroport, il se doit de vérifier qu'il y a personne en finale. Puisque je me suis annoncé en base, j'ai la priorité, il cherche donc logiquement à estimer ma position. Concentré sur mes manœuvres, je réponds un peu fébrilement que « c'est ma première navigation solo, j'aimerais autant que vous me laissiez la priorité !». L'autre pilote se montre compréhensif « Ok, la question ne se pose donc pas... ».
Un peu perturbé, je continue mes petites affaires, et finalement, je me rends compte que je suis beaucoup trop haut pour me poser, que je ne suis pas du tout dans le bon plan, bref que mon approche n'est pas bonne du tout. Je comprends alors pourquoi l'autre pilote ne me voyait pas, je n'étais pas du tout à la bonne position !!! Je remets donc les gaz, et repars pour un deuxième tour de piste.

Après une rapide analyse de mes erreurs, j'attaque cette deuxième chance avec beaucoup plus de sérénité : « Volets pompe phares ! », je fais mes petites affaires en temps et en heure sans précipitation, et prends le temps de vérifier tous mes repères. Comme par hasard, tout se passe pour le mieux et je fais un touch and go dans les règles de l'art... Je peux donc repartir pour Albi, Gaillac et enfin Lasbordes.

Oui, mais... l'écart entre le cap indiqué par mon log de nav et celui donné par le gps est maintenant de 5 ou 10 degrès ! Bon, il doit y avoir un problème avec ma préparation, je me contente donc de bien mettre le trait violet du gps à la vertical, signe que je suis sur la bonne route, me promettant de creuser plus en détail une fois rentré pour trouver l'erreur.
Je trouve donc Albi puis Gaillac sur ma route. Il ne reste plus qu'à prendre la direction de Lasbordes pour me poser sur mon aérodrome préféré, mais le cap de mon log de nav est de plus en plus mauvais... Bon, survol du terrain de Lasbordes à la vertical, détection de la manche à air, intégration en vent arrière. Base... Finale... Et voilà, l'avion est définitivement posé !

Mission remplie !

A ma descente de l'avion, je retrouve Philippe, sourire aux lèvres comme après chaque vol solo, me demandant : « C'est bon t'es pas mort ? »



Non, non seulement, je ne suis pas mort, mais je suis plutôt fier de moi : j'ai utilisé un avion comme moyen de transport pour aller de Toulouse à Castres, comme on prend une simple voiture !!!
Ce petit exploit personnel n'occulte pas le manque de préparation flagrante du vol et son impact assez conséquent ! Bien des interrogations auraient été évitées si j'avais mieux préparé mon vol, et nul doute que j'aurais posé l'avion plus sereinement dès mon premier passage. Vu que j'avais prévu de me poser à Castres, j'aurais dû prendre le temps de regarder google map pour repérer plus facilement le terrain, imaginer de quel côté j'allais arriver, etc...
Ceci étant, cet épisode m'a prouvé que j'avais le recul nécessaire pour apprécier ma position et remettre les gaz en cas d'approche ratée, recul qui fait visiblement défaut à beaucoup de jeunes pilotes selon instructeurs et conférenciers.
Concernant cette histoire de conservateur de cap, ce n'est que dans la soirée, alors que je serai revenu depuis un bon moment, qu'une ampoule va s'allumer au dernier étage ! Le conservateur se décale de 1 degré toutes les 4 minutes !!! C'est une des premières choses qu'on apprend !!! Il n'y avait donc pas d'erreur dans mon log de nav mais dans son application ! Si je n'avais pas oublié de recaler le conservateur sur la boussole à la Montagne Noire et à Castres, je n'aurais eu aucun soucis ! Encore une petite mésaventure de ma vie de jeune pilote, qui me sera très probablement bénéfique pour la suite : je pense que je n'oublierai pas de sitôt de recaler mon conservateur de cap !!! En tout cas, ce sera à mettre en pratique dans la prochaine étape : réaliser une navigation solo de plus de 150 NM (300 km), soit 2 petites heures, avec atterrissage sur 2 aérodromes différents, condition sine qua non au passage de l'examen pratique...