mardi 14 août 2012

Leçon 19 : Mon premier lâcher !

En ce lundi 13 aout, c'est décidément très calme au boulot... J'hésite même à repasser par la maison avant mon heure de vol à 19h. Finalement, depuis mes dernières leçons, la semaine intensive, je ne pense plus qu'au moment ou Philippe va me laisser partir tout seul, et c'est la tête dans les avions, que je regarde l'horloge tourner avant l'heure du départ… Le lâcher sera-t-il pour ce soir ? Je n'ai pas grand chose à faire au travail, et dans un sens tant mieux, car mon esprit est ailleurs... Un petit coup d'oeuil au METAR : CAVOK jusqu'à demain soir. Autrement dit, une météo parfaite !

Je finis par prendre la voiture direction l'aéroclub, l'avion arrive tout juste, de même que Philippe. Le temps de faire toutes les vérifications d'usage, et on est parti. Intentions du jour : quelques tours de piste... Encore et toujours... Le terrain est encore contrôlé, et la tour nous donne l'autorisation de décoller. Après un ou deux tours de piste, j'espère secrètement que Philippe me dise "bon allez on arrête" mais non; pas encore aujourd'hui. Pourtant les conditions sont idéales (une météo royale et très peu d'avions sur le terrain) et j'ai bien l'impression que tout se passe bien... Je fais quelques petites erreurs, et Philippe me donne toujours des conseils pour l'arrondi final, mais j'ai tout de même l'impression qu'il ne s'agit que de détails mineurs... Peut-être pas, sans doute attend-il le tour de piste parfait, où il n'a rien à dire ni à corriger pour me lâcher...

Troisième tour, quatrième tour, cinquième tour... Bon ben ce ne sera encore pas pour aujourd'hui... Même si je suis un peu déçu, je me dis encore une fois, que Philippe est seul juge. Si estime que ce n'est pas le jour, ce n'est pas le jour. Le commandant de bord a toujours raison…

Après le sixième tour, alors que je m'apprête à remettre les gaz pour repartir, Philippe m'indique de m'arrêter... Puis me dit timidement "Bon, on va souffler 2 minutes"... Habituellement, on ne s'arrête jamais pour "souffler 2 minutes", surtout après 1h de vol... Je sens comme une petite appréhension car j'ai toujours malgré moi, l'obsession du jour où Philippe va me laisser partir tout seul..."Comment tu te sens ?"... Une petit cran de plus dans l'excitation : Philippe ne me demande jamais comment je me sens après le vol, d'autant que nous sommes toujours dans l'avion et que faire des tours de piste n'est pas des plus éprouvants... C'est avec un petit sourire non dissimulé que je lui indique que tout va bien, et c'est également avec un petit sourire qu'il me demande : "Tu repars tout seul ?". Ca y est ! C'est l'heure et le jour du lâcher tant attendu, lundi 13 août 2012, 19h30, après 21 heures de vol... Philippe me donne les dernières recommandations et sort de l'avion...

 Me voilà donc seul à bord... Il va falloir faire décoller cette masse de 700 kilos, la faire monter à 2000 pieds et surtout, la faire redescendre !!! ;) Je pars du principe que je viens d'en faire 6 sans soucis, et je ne me pose finalement pas trop de questions... Je saisis tout de suite la check list de départ... Ce petit livret en plastique, n'est maintenant plus que mon seul ami pour les 20 minutes à venir, la seule chose à laquelle je peux maintenant me raccrocher...

Température et pression de l'essence et de l'huile OK, essais moteur satisfaisant, pompe en marche, les volets rentrés, les phares éteins, etc... Tout est ok : c'est parti ! "Fox India Papa roule point d'arrêt 34". Un petit coup de gaz pour ébranler l'avion, et nous voilà gentiment parti pour le point de décollage. Le long du taxiway pour accéder à la piste, la trajectoire de l'avion n'est pas aussi rectiligne que d'habitude... J'imagine que cela ne doit pas être étranger aux légers tremblements de mes jambes... Je suis au point d'arrêt : vérifications d'usage : essai magnétos, réchauffage carbu, ralenti... Tout est ok... Un regard, bizarrement beaucoup plus insistant que d'habitude, vérifie qu'il n'y a personne en finale : "Fox India Papa, je m'aligne et je décolle". J'ai dit ça moi ??? Oui, j'ai dit ça !!

Une fois aligné sur la piste, dernières vérifications : boussole, conservateur de cap, absence de panne, pompe et phares en marche ! Cette fois, je n'ai plus aucune excuse pour reculer, et j'annonce tout haut, comme d'habitude : "Le conservateur de cap et la boussole sont ok, j'ai pas de panne, j'ai la pompe et les phares, on y va !". Habituellement naturel, le geste de pousser la manette des gaz à fond, n'est plus aussi assuré, et mon regard fait 5 fois le tour du tableau de bord pour s'assurer que tout est en ordre !! A la mise plein gaz, il y a toujours une fraction de seconde avant que l'avion ne parte, due à son inertie. Ce vol ne fait pas exception, sauf que la fraction de seconde me semble cette fois-ci extrêmement longue ! Je me pose 12000 questions, et en fait non, l'avion s'élance comme d'habitude… En rien de temps, me voilà à 100 km/h, je tire sur le manche, là encore, plus timidement que d'habitude, et l'avion ne se laisse pas faire. Un peu d'insistance, et ça y est les roues ne touchent plus terre. Je vole !!!!

Bon, je reste concentré et suis les conseils de Philippe : enchaîner les étapes les unes après les autres sans anticipation, "la qualité de l'étape suivante dépend de la qualité de l'étape actuelle !". Mon prochain objectif : rentrer les volets, éteindre la pompe et les phares à 800 pieds. Voilà j'y suis, "Volets, pompe, phares", c'est bon. J'accélère un peu à 150 km/h. Je laisse Balma à droite et j'entreprends mon premier virage pour passer en vent traversier, tandis que l'avion monte toujours... Alors que je n'ai même pas encore passé la ferme de sironis pour tourner en vent arrière, me voilà déjà à 2000 pieds ! Et oui, Philippe n'est plus dans l'avion, il monte beaucoup plus vite ! Pas de soucis, je prends l'assiette de croisière et réduis déjà à 2100 tours/minutes...

J'incline l'avion au dessus de la ferme de sironis, "Fox India Papa vent arrière 34 Lasbordes". Je dois maintenant préparer l'avion pour l'atterrissage. A ce moment, je vois la piste à 2 km sur ma droite. Je ne pense toujours pas à l'approche, je suis focalisé sur ce que j'ai à faire là maintenant : "Volets, pompe, réchauffage carbu, phares" ! Bon, ben pour le moment tout va bien, je n'ai rien oublié, j'ai bien repéré la maison de repos d'Aufrery, la zone industrielle, le château de Pechestier, et Fonsegrives sur la droite. C'est bon, j'ai mon axe de vent arrière bien en vue. J'ai 150 km/h, 2100 tr/min, tout est prêt pour l'atterrissage, j'ai la piste à ma droite, bien parallèle à ma trajectoire. J'ai toute la vent arrière pour profiter du survol de la compagne toulousaine, ses châteaux et ses villages... Je regarde également le siège de Philippe : il est bel et bien vide !!! C'est à cet instant, alors que j'ai un peu de temps pour moi, que je réalise que je suis en train de piloter un avion sans personne pour m'expliquer quoi que ce soit !!! Bon, on "revient sur terre", car il nous faut justement encore revenir sur terre...

Carte "VAC" officielle de l'aérodrome
Figurent sur la carte différent repères pour passer au bon endroit (les zones bleues étant interdites)
Le tour de piste est le circuit noir matérialisé par l'avion (la vente arrière n'est pas dessinée)
Je survole le château de Péchestier, je contourne Fonsegrives "Fox India Papa base 34 lasbordes". Me voilà perpendiculaire à la piste, exactement où est l'avion sur la carte ! Je réduis à un peu plus que d'habitude car je suis monté un peu haut, et il me faut être sur Boulanger à 1300 pieds. Je reste bien perpendiculaire à la piste. Le variomètre annonce un taux de chute correcte et l'altimètre descend doucement. Je ne suis plus qu'à 1000 pieds de haut (300 mètres) et le GPS, détectant la faible altitude, commence à s'exciter ! Un dernier virage, pour s'aligner avec la piste. Les histoires plus sérieuses commencent !!

Puisque j'ai la bonne altitude, au bon endroit, je suis quasiment sûr d'être sur un plan d'approche correcte, et donc d'atteindre la piste avec une bonne pente. Il ne me reste plus qu'à initier le dernier virage au bon moment ! Je prends la décision de l'initier assez tôt. Premièrement parce que je m'y prend souvent trop tard, deuxièmement parce qu'en initiant le virage plus tôt, on peux plus facilement ajuster l'alignement avec la piste en augmentant si besoin le rayon de courbure (réduction de l'inclinaison). A contrario, il est dangereux et difficile de faire des retouche sur un virage déjà serré (à inclinaison plus importante). J'entame donc le dernier virage... et je suis bien aligné, "Fox India Papa finale 34 lasbordes".

C'est là qu'intervient la phase la plus critique : jouer par petites touches à la fois sur la puissance pour gérer la descente, et sur le manche pour gérer la vitesse... Mes yeux font alors des allers-retours incessants : piste, tachymètre, anémomètre, tachymètre, anémomètre, piste, etc… Pendant ce temps la piste se rapproche doucement mais surement, je contrôle bien mon avion, tout va bien ! Dernière phase critique, j'arrive au dessus de la piste, mon avion s'enfonce toujours, je cabre pour le forcer à tomber, je réduis tout, il ne remonte pas… Je cabre toujours… et voilà !!! Ça y est l'avion est sur le sol !!!!

La main sur le frein, je quitte la piste et passe la ligne jaune : "Fox India Papa piste 34 libérée lasbordes". Ca y est mon vol est officiellement terminé ! Je regarde Philippe avec un grand sourire et lui-même me gratifie d'un signe de la main le pouce levé !

Aujourd'hui lundi 13 aôut 2012 , de 19h31 à 19h49, j'ai réalisé le vol de plus court de ma vie de pilote, mais le plus intense ! C'est tout fier de moi, que j'ai noté ces 18 minutes dans mon carnet de vol non pas dans la colonne "double commande", mais "commandant de bord" ! Il n'y a plus de doute possible : je suis aujourd'hui capable de prendre un DR400 et de faire un petit tour avec… dans des conditions idéales ;) 


Leçons 13 à 18 : Tours de piste en intraveineuse

L'objet principale de la semaine, aura été l'atterrissage. Cette étape nécessite beaucoup de pratique, et un série de vols intensive comme cette semaine de vancances est l'occasion idéale !

Ainsi, trois leçons ont eu un seul et unique but : me faire réaliser un tour de piste au complet avec le moins d'aide possible de Philippe, que ce soit pour les manœuvres de pilotage, ou pour la gestion des messages radio.

Le tour de piste est l'étape préliminaire à l'atterrissage sur un aérodrome. Ce gros « carrefour giratoire », indique à chaque avion le circuit à réaliser avant de se poser. Sans cette étape, tous les avions arriveraient tous en même temps de diverses directions... Ainsi, chaque aérodrome dispose d'un tour de piste qui lui est propre (altitude obligatoire, villages à ne pas survoler, etc...) Il est donc impératif d'avoir les bons repères pour passer aux bons endroits. Concernant nos exercices quotidiens, il s'est agit de décoller de l'aérodrome en montée initiale, de faire un premier virage pour passer en vent traversier, un deuxième virage pour en vent arrière, un troisième virage pour être en étape de base, et enfin un quatrième virage à 90 degrés pour se retrouver face à la piste pour l'approche finale. Une fois l'avion sur la piste, on remet les gaz à fond pour repartir et on recommence... Un gros manège pour adulte en somme ! Quand un avion arrive, il prend sa place dans le manège et descend dès qu'il a fait un tour !

Les grandes étapes d'un tour de piste

A raison de 7-8 minutes par tour de piste, les deux premières journées se seront donc soldées, par 7 tours de piste chacune, donc 7 atterrissages. Au fur et à mesure des répétitions j'ai pris conscience d'acquérir tous les jours un peu plus de choses, de comprendre un point de plus, de résoudre un problème de la veille, etc... J'ai notamment acquis des repères visuels beaucoup plus précis, permettant de reconnaître la campagne autour de l’aérodrome et donc de mieux me repérer. J'ai également complètement acquis les messages radio, tant en contenu qu'en timing.

La dernière de ces trois journées à thème aura été la plus courte, et la plus mauvaise, mais non pas la moins formatrice : seulement 49 minutes de vol pour 5 tours de piste. En cause : ce que mon livre théorique appelle « les facteurs humains ». Même si depuis le début de mon apprentissage, toutes les heures n'ont pas été aussi efficaces les unes que les autres, celle-ci a été un festivals d'erreurs ! Oubli de la clé dans le coffre fort, mauvais messages radio au mauvais moment, oubli de certaines actions, etc... Si bien Philippe, fini par me dire « Bon allez on rentre ! ». Effectivement, ce n'était pas le jour. L'apothéose aura lieu dans le hangar, lorsque je me mettrai à laver... le mauvais avion !!! Cette expérience donne à Philippe l'occasion d'illustrer l'importance des facteurs humains, trop souvent négligés selon lui. Il m'explique également que même les évènements positifs, provoquant des émotions agréables, souvent interprétées comme signe de bonne forme, mettent en fait inconsciemment à mal la concentration. « Il doit y avoir quelque chose qui t'a perturbé... » me dit Philippe. Ce n'est finalement qu'en rentrant, en racontant cette épisode à Lucie, qu'elle-même me donnera la clé du mystère : probablement notre rendez-vous du matin-même rue d'Alsace Lorraine... Une fois de plus Philippe avait vu juste !!!!!

Les 2 heures suivantes, ont été centrées sur l'ébauche de la procédure d'IVV : interruption volontaire de vol. Il s'agit de la procédure par laquelle on prend la décision de ne pas poursuivre le vol mais au contraire de se poser dès que possible, le plus souvent dans un champ (pour cause de panne radio, mauvaises conditions météo, manque d'essence...). Ces deux heures ont donc été consacrées aux différents critères à prendre en considération lors du choix du champs improvisé aérodrome, ainsi qu'à la prise de repères autour du terrain choisi pour se poser correctement malgré tout.

Enfin, la dernière heure aura porté sur l'influence du poids sur différents paramètres tels que la durée du décollage, le taux de montée, la vitesse de décrochage, etc...

Finalement, cette semaine aura surtout été un stage intensif visant principalement à appréhender la phase d'atterrissage. Avoir un tel sujet, sur plusieurs jours de suite, au cous de la même semaine, m'aura clairement permis de progresser plus vite, et surtout, de mesurer grandement les progrès réalisés. Enfin, c'est surtout une étape incontournable avant le lâcher, dont Philippe à commencer à me parler... A quand ce que beaucoup de pilotes qualifient souvent de plus vieux et de meilleur souvenir ????