A ce stade de mon apprentissage,
Philippe part du principe que je suis capable de manier l’avion
comme bon me semble et que je connais l’ensemble des moyens de
navigation disponibles à bord… Reste encore à les utiliser
grandeur nature, et c’est justement l’objet du jour : une
petite navigation locale, reliant une demi douzaine de points de la
carte.
Tout d’abord, hors de question de
partir en « voyage » sans avoir préparé rigoureusement
le vol. En premier lieu, on regarde évidemment la météo. Pas de
soucis de ce côté là aujourd’hui. Nous sommes en fin de journée,
et le temps est au bon fixe, malgré une journée plutôt médiocre.
Vient ensuite la préparation du vol en
lui-même. Connaître la destination est indispensable, mais comme en
voiture, encore faut-il savoir par où passer. Ainsi, en guise
d’itinéraire, il nous faut préparer un « log de nav ».
Pour constituer ce log de navigation,
on va tout d’abord déterminer les points intermédiaires, les
étapes, à relier permettant d’atteindre la destination. On va
ensuite matérialiser sur la carte toutes ces étapes par des traits
au crayon. Ces traits permettent, premièrement, de calculer un
certain nombres d’informations lors de la préparation du vol,
deuxièmement, de ne pas perdre la trace de notre itinéraire une
fois en vol.
Maintenant nous avons matérialisé sur
notre carte l’ensemble des étapes, nous pouvons pour chacune
d’elles calculer :
- la distance
- le temps sans vent estimé
- la route vraie à suivre
- le cap vrai à suivre (prise en compte de la dérive)
- le cap magnétique à suivre (prise en compte de la déclinaison magnétique)
Pour ce qui est de la distance on
utilise une règle un peu spéciale....
Cette règle n’est pas graduée en
centimètres mais en nœuds. En effet, elle dispose de 4 graduations
d'échelles différentes. Il s'agit des échelles les plus couramment
utilisées pour les cartes aéronautiques. Nous obtenons donc la
distance en mesurant le segment matérialisant l’étape, suivant
les graduations relatives à l'échelle de notre carte.
Une fois la distance déterminée,
notre cher facteur de base (cf leçon 20...) nous donnera le temps
estimé.
Ensuite, pour connaître le cap à
suivre, il nous faut mesurer l’angle entre le trait symbolisant
l’étape et un repère connu : les parallèles et les
méridiens. Notre règle transparente et ses deux roses des vents
concentriques vont nous aider. L'extérieure a pour référentiel les
méridiens, alors que l'intérieure a pour référentiel les
parallèles.
Utilisons la rose des vents
extérieures. L’idée est de prolonger le trait de l’étape
jusqu’à croiser un méridien. En plaçant le centre de la rose des
vents à l’intersection du trait de l’étape et du méridien, et
en inclinant la règle pour que la « Route à suivre »
soit confondue avec notre trait d'étape, ce « rapporter »va
nous indiquer directement le cap à suivre.
La rose des vents est à l'intersection
du trait de l'étape et d'un méridien, celui-ci est confondu avec la
« Roue à suivre », et nous lisons 107° sur la rose des
vents extérieure.
La rose des vents est à l'intersection
du trait de l'étape et d'un parallèle, celui-ci est confondu avec
la « Roue à suivre », et nous lisons également 107°
sur la rose des vents intérieure.
Le cap vrai et le cap magnétique à
suivre, nous sont alors donnés en prenant en compte la direction du
vent et sa vitesse, ainsi que les formules de la leçon 20…
Toutes ces données, nous permettent
donc de pouvoir réaliser l’ensemble des étapes prévues. En
revanche, elles ne nous permettent pas de nous localiser en cas
d’égarement, ni de valider notre position. Ainsi, à ce log de
navigation, nous allons ajouter, pour chaque point intermédiaire,
deux fréquences de balises VOR émettant à proximité, ainsi que
les radiales selon lesquelles balises seront vues. A chaque point
intermédiaire, ou « points tournant », nous pourrons
alors conforter notre position à l’aide de ces données.
In fine, voilà à quoi ressemble un
log de navigation complet :
Maintenant que nous sommes prêts, il
ne nous reste plus qu’à faire les vérifications d’usage avant
de mettre le moteur en route. Après que nous ayons décollé, je
prends le cap 107 pou rejoindre Revel, premier point tournant de
notre navigation. Nous avons calculé qu'il fallait 14 minutes pour
atteindre Revel. Je note également l’heure, 18h48 et l’heure
estimée d’arrivée au premier point tournant : 19h12
L’heure estimée approchant, je me
mets alors en recherche de repères visuels permettant de trouver
physiquement le points marquant la fin de l’étape. Etant donné
qu’il s’agit d’un aérodrome, celui-ci est assez facile à
trouver…
Philippe m’explique alors l’ensemble
des choses à faire à chaque point tournant, et la liste est plutôt
longue. De plus, ces opérations doivent être faites assez
rapidement pour ne pas trop s’éloigner de notre itinéraire.
Dans un premier temps il convient donc
de vérifier notre position. Le log de navigation que nous avons
préparé nous indique que Toulouse est au cap 292° et Gaillac au
cap 347°. En vérifiant que l’aiguille du récepteur VOR est bien
milieu pour chacune de ces 2 balises émettrices, pour les radiales
souhaitées, nous sommes sûrs de notre position.
Cette « pause » est
également l’occasion de faire une vérification de l’ensemble
des indicateurs du tableau de bord, notamment la température et la
pression, de l’huile et de l’essence. Tout va bien, on peut donc
continuer notre voyage.
Je note l’heure effective,19h08, de
passage au point tournant, ainsi que l’heure estimée de la
prochaine étape, Vielmur : 19h14.
Il fait beau, et les dernier rayons de
soleil, filtrés par quelques nuages, viennent éclairer de leur
lumière orangée les bâtiments de briques rouges d’Albi et des
villages environnants. Tout se passe donc pour le mieux….
Alors que je m’apprête à prendre un
nouveau cap, j’incline l’avion pour le faire virer tant que mon
conservateur de cap n’indique pas la valeur voulue. Au moment où
Philippe me demande « mais tu vas où là ??? », je
prends conscience que mon conservateur de cap indique n’importe
quoi, et que je suis pas loin d'avoir fait un tour complet… La
fatigue aidant, je n’avais pas réalisé que mon conservateur de
cap dansait la gigue. Alors que je sens le stress commencer à
monter, Philippe détecte tout de suite le problème et m’explique
la situation. Comme on l’a vu dans les premières leçons, le
conservateur de cap fonctionne à l’aide d’un gyroscope. De deux
choses l’une : soit le gyroscope est en panne, soit c’est le
conservateur de cap lui-même qui ne fonctionne plus.
A bord, l’horizon artificiel est le
seul autre instrument utilisant le gyroscope et lui aussi affiche
n’importe quoi !!! Tout étant normal par ailleurs, le
problème provient très certainement du gyroscope. Ultime
vérification : le gyroscope fonctionne à l’aide d’une
pompe à vide et un capteur nous indique la dépression : elle
est nulle !! Tout se recoupe : la pompe à vide nous à
lâché.
Une fois ce diagnostic posé et
validé, étant donné que cette panne ne remet pas en cause la
sécurité, le calme revient dans ma tête et nous pouvons donc
continuer notre voyage, ne disposant plus que de la boussole, bien
moins précises qu’un conservateur de cap !!!
Cette leçon m’aura donc donné un
bon aperçu de ce qu’est une navigation, comment la préparer, et
comment la suivre.
Cette panne de pompe à vide, aura
également été un temps fort de mon apprentissage. Avec le recul,
j’ai pris conscience du gouffre entre ma réaction, en terme de
stress, et l’importance de la panne. En effet, sans réfléchir,
cette panne de pompe à vide a tout d’abord fait naître en moi une
réaction de stress, m’empêchant d’analyser calmement la
situation. Cependant, une panne de conservateur de cap, quelle que
soit son origine, ne peut en aucun cas remettre en cause la sécurité
du vol. Comme mentionné dans mon livre de théorie, j’ai
clairement expérimenté le fait que « la réaction de stress
suivant un problème peut mener le pilote à se mettre dans une
situation plus critique que le problème lui même…. »
Cet évènement aura donc fortement
enrichi ma petite expérience, aussi bien en terme de situations
rencontrées, qu’en terme de « facteurs humains ». Si,
comme dit Philippe, un bon pilote est un vieux pilote, j’ai fait
beaucoup de progrès aujourd’hui…